Depuis combien de siècles et, à la suite de quel cataclysme, l’Agly a-t-elle pris source au pic de Bugarach, à plus de 1200 mètres ? Bien malin qui le dira !
Toujours est-il que l’Agly, serpentant d’abord en terre Audoise sur plusieurs kilomètres (Camps sur Agly), s’engouffre ensuite résolument à travers les gorges de Galamus dans nos chères Fenouillèdes, pour terminer sa course tout au fond sur la Méditerranée.
Cette rivière est une bénédiction du ciel. Une amie fidèle, précieuse, inestimable et irremplaçable.
Elle est à classer, tout simplement « monument historique » au même titre que notre chapelle Saint-Pierre du XIème siècle. A la différence près, toutefois, que de santé moins fragile, elle ne s’effrite pas toutes les cinq minutes.
Elle est semblable au Père-Noël. Tout au long de son parcours, elle distribue à la volée, criques, gouffres, plages ombragées, rochers…
Mon petit doigt me dit qu’elle a pris son temps et son pied en passant chez nous car, macarel, elle nous a fignolé de ces coins !!!!
Le Tamarin d’abord. Anciennement appelé « Gourd’En Jean Pau », situé près du vieux moulin à huile en ruine, il a été (présence de tamaris aux alentours ?) rebaptisé plus tard Tamarin par les nouvelles générations.
Le Pont, légèrement en contrebas. Lieu plus discret, invisible même, aubaine pour les solitaires en quête de tranquillité.
Plus en aval, le Gourd’En Coq. Lieu mythique, où tous, sans exception, y avons effectué nos premiers pas pour ne pas dire nos premières brasses. Il est à Planèzes ce que le stade Vélodrome est à Marseille : une icône ! Il est en nous, dans nos âmes, dans nos gênes, dans nos cœurs, dans nos ADN. Il est certain que l’arrière grand-père de Monsieur Conte Henri, Monsieur Coq Etienne, en cultivant tranquillement son jardin à quatre pas de ce merveilleux endroit, ne s’est jamais douté qu’il lui donnait son nom en héritage, en échange de son eau.
Deux virages plus loin, le majestueux et ombrageux Roc Noir. Le plus large et le plus profond des gouffres. La légende dit que de ses failles énormes, le grand-père de Madame Georgette Aniort, Monsieur Bedos Léon, en remontait à chaque plongeon, trois poissons. Un dans chaque main et le troisième entre les dents. Aujourd’hui, malheureusement, il est pratiquement déserté de nous tous. Il est devenu d’ailleurs, en plaisantant à peine, la piscine privée de Monsieur Pierre Dedeus. Et pourtant, que de souvenirs nous rattachent à ce gros caillou !
Une portée de flèche plus bas, pour ceux qui aiment bien chutes et remous, le Barrage offre toute une palette de jeux et de bonnes sensations.
Ensuite, tranquille, en chantant, sous les frondaisons au bas des Pachères, elle file en un rapide courant vers Sainte-Eulalie.
Le barrage de Cassagnes et Caramany régule depuis une bonne dizaine d’années ses débit et niveau. Elle coule franche, limpide, généreuse, tout l’été. Si elle rend de fiers services pendant cette période en territoire salanquais, il ne lui arrive plus de s’assécher en période caniculaire comme ce fut parfois le cas. Il faut tenir compte, bien sûr, de ses humeurs changeantes. Le vieux pont, emporté en 40, pourrait en témoigner (s’il le pouvait, mais il est loin) ; le gel de 84 également ; sans oublier la grosse crue de 92.
Cependant, en période estivale, aucun souci à se faire si ce n’est que ces points d’eau des enfants que nous sommes restés, sont de plus en plus fréquentés.

Aujourd’hui, le parc « Loubet de Sceaury » coule, au sud-est du village, une retraite paisible et méritée.
De main de maître, il est bichonné, nettoyé et désherbé dans ses moindres recoins par Margarete et Hervé.
Lui, il se régale ! Tous les ans, il a droit, en juillet, pendant les Musicales de l’Agly, à quatre jours de concerts tout public, à une soirée cinéma mi-août, sans compter ceux qui, à la moindre occasion (banquets, anniversaires, apéros…), profitent de son ombre reposante et réparatrice. Ses portes ouvertes à tous vents, les enfants viennent y jouer maintenant librement. Il fut un temps où les enfants dressaient bien droit leurs oreilles (tels des lapins de garenne aux aguets) lorsqu’ils se faufilaient en douce dans ce petit paradis fermé à double tour, afin de pouvoir détaler par des passages secrets au moindre bruit suspect. Oui, pour beaucoup de générations d’enfants, il reste ce Grand Compagnon de jeux idéal. Il connaît tour à tour les hivers rigoureux, les guerres, les sécheresses et les inondations. Il est cultivé par de nombreux grangers au service de la Maison Loubet de Sceaury (Bedos Frédéric, Bedos Léon, Jimenez Manuel …). Des années durant, il donne de magnifiques légumes arrosés par l’eau fraîche des puits et de belles grappes de raisin issues de la vigne plantée en contrebas. Dans les années cinquante, de jeunes mimosas qui, aujourd’hui la recouvrent entièrement, s’invitent dans sa partie haute. Autour des années soixante-dix, sa partie basse voit arriver à son tour toute une génération de petits oliviers. Le vieux noyer, tout près du ruisseau, sentant sa fin proche, laisse en héritage un petit rejeton devenu depuis immense et aussi beau que lui. Des dizaines de photos laissées par Monsieur Paul Loubet de Sceaury, prouvent combien ce jardin représentait pour sa famille et pour lui, une sorte d’église où il faisait sans aucun doute bon entrer pour s’y retrouver. Ce lieu est magnifique, tout simplement magnifique ! Tout y est Paix. Du plus gros pin à la plus petite pierre. Avant de décéder, à l’image du vieux noyer, le dernier de la lignée Loubet de Sceaury, Paul, lègue à la commune son patrimoine et ce joyau (fin des années quatre-vingt-dix). A l’époque où nous vivons, où la Terre Française rétrécit à vue d’œil sous la gourmandise sans cesse accrue des étrangers, quelle chance nous avons, quel grand Merci nous pouvons adresser de par-delà les nuages à Monsieur Loubet, pour avoir tenu avant de rejoindre les siens, à ce que son jardin reste Terre Planézole.

Sentinelles immobiles postées sur les Canorques, St Martin, Bac, Garouilla, Sarrat del Coll del Gabach ou autres, semblant veiller de près ou de plus loin sur notre beau village, les capitelles sont là pour rappeler qu’il fut un temps, elles étaient essentielles à ceux qui nous ont précédés et qui, bien sûr, les ont bâties. Certaines d’entre elles aujourd’hui peuvent même ressentir une légère fierté pour avoir su garder intactes jusqu’à la moindre de leurs pierres. En observant ces ‘’guérites’’ de plus près, on note que le plus grand soin était accordé à l’entrée. Pas une, en effet, ne fait face au vent du nord. En se glissant à l’intérieur, on peut imaginer avec émotion ces bâtisseurs d’un autre temps qu’étaient les pères des pères des pères de nos pères façonnant les murs de leurs mains rugueuses en prenant bien soin de la forme et de l’emplacement de chaque llose ou pierre à poser. Léon Bedos, décédé en 1949, berger dans sa jeunesse, fut sans aucun doute le dernier à s’y être régulièrement abrité avec chiens et troupeau. Aujourd’hui, implantées depuis des lustres aux quatre coins du terme, elles sont là comme un tableau accroché au mur et que l’on ne voit plus à force de le regarder. Que ceux qui, des décennies durant, y ont trouvé refuge, ne nous gardent trop rancune de l’oubli dans lequel elles ont glissé.

Pour un grand nombre d’entre eux, sont indissociables de la culture de la vigne. Si certains, de briques et ciment (Tourredeille, Peyrière, Coume den Daniel), datent des années 40 et 50, les plus beaux, les plus accomplis, remontent à un bon siècle plus tôt, environ vers 1850 (Moudéga, les Counties et les Fontasses). Celui de l’Olivette, vrai lieu-dit La Jasse, appartenant  à la famille Loubet de Sceaury, était une bâtisse magnifique où les troupeaux, dans le temps prenaient plaisir à s’y réfugier. Emportée comme fétu de paille aux inondations de 1940, elle fut reconstruite ‘’modernement’’ tout en haut de la parcelle.
Si les capitelles sont trop éloignées de nous pour nous livrer leurs secrets, de belles histoires, elles, sont liées aux casots. Du temps de la passerelle, bien avant la construction du pont, Puy Louis, papa de Joséphine, occupé à labourer côté Della L’aygue, fut tout étonné en fin de  journée, au moment de passer le gué, de se trouver nez à nez avec une Agly devenue infranchissable pour cause d’orage tombé en amont. Abritant son cheval dans le casot du Planal pour la nuit, il regagnera le village par la passerelle avant de la repasser un peu plus tard dans l’autre sens avec, sur son dos, paille, avoine et foin pour son fidèle animal. Situé un peu plus haut, celui du Moudéga camouflera durant la seconde guerre mondiale les calibres ‘’12’’ de Théophile et François. Canons bourrés d’huile, emmaillotés de chiffons, trois pieds sous terre et recouverts de fagots et vieux ceps en surface, ils échapperont ainsi à la réquisition allemande. De cette aventure, le ‘’canon rayé’’ de François garde depuis des traces de rouille. Le casot de l’Armingau, lui, verra débouler un après-midi d’été, le laboureur et son cheval surpris par un orage de grêle tombé sur la Coume den Daniel. C’est en recouvrant la tête de l’animal d’un sac de toile de jute que le paysan évitera à ce dernier de s’emballer.

Celles qui encore aujourd’hui sont en état, ne servent pratiquement plus que ‘’d’abreuvoirs’’ aux chiens de chasse ou de piscine aux tétards. Leurs petits bassins attenants, prévus dans le temps pour la préparation de la bouillie bordelaise, sont maintenant régulièrement squattés par les gros lézards verts en quête de fraîcheur. La plupart d’entre elles, datant à peine d’un demi-siècle, sont dans un état déplorable. L’arrivée échelonnée dans le temps des barriques en fer, des cuves plastiques ou fibres de verre, des appareils de traitement type canon ou voûte, a relégué nos belles citernes au rang des oubliettes.
La course aux hectares, la fuite en avant, les gadgets du XXIème siècle, font que petit à petit, ce beau patrimoine légué après tant de sueur par nos Anciens, fond comme neige au soleil.
Les puits s’assèchent, les murettes s’écroulent, les cerisiers s’empoisonnent, les citernes s’effritent, les ‘’basses’’ s’enterrent, les jardins se perdent, les ruisseaux se comblent et les rigoles ne rigolent plus…
Puissions-nous ne jamais le regretter !

Vigneron ‘’depuis toujours’’, à l’image de son papa Georges, Yannick se régale de ‘’roundinéger’’ en toute liberté entre vignes, garrigue et cours d’eau.
Âme sensible et amoureux d’une nature remarquable où se côtoient, pêle-mêle et en belle harmonie, bestioles en tout genre, champignons et fleurs de derrière les fagots et tutti quanti, il a, sans la moindre hésitation, remisé au placard les canons de son calibre 12 pour un Canon spécial XXL, dans le but d’immortaliser sur ‘’pellicule’’ tout ce qui pointe au bout de sa ligne de mire.
Laissant libre cours à sa passion pour l’image, il n’hésite jamais à ‘’parer l’aspère’’, le temps nécessaire, afin de surprendre la sauvagine dans ses plus beaux atours.
Qu’il soit grandement remercié pour mettre à disposition toute une panoplie de photos ‘’issues d’une autre galaxie’’, panoplie qui, en s’épaississant au fil du temps, débusquera sans aucun doute du moindre recoin de sous-bois tout ce qui fait la beauté et le mystère de notre nature, sans oublier l’espace aérien où l’aigle de Bonelli, en seigneur, règne sur ses passereaux.