Nos rues, ruelles, places et placettes furent dans le temps, tout naturellement, caillouteuses, poussiéreuses, sentant bon la terre nue et saupoudrées même parfois d’un petit zeste de fumier bien frais.
Des marelles par dizaines y étaient aussi facilement tracées qu’effacées, les « petits soldats » s’y camouflaient sans difficulté et nos vélos s’y régalaient en dérapages contrôlés.
Pour nous, enfants, ces rues immenses nous emportaient bien souvent, sous l’effet de notre imagination, vers des pays merveilleux, perdus bien des années plus tard, sans trop savoir ni où, ni quand, ni comment …
Nous y dérangions souvent nos mères et grands-mères, sur les visages desquels se lisait le plaisir évident de se retrouver à tout coin de rue, tricotant et papotant à qui mieux mieux.
Nos pères et grands-pères, jamais trop éloignés d’elles, discutaient à tire larigot chasse-gibier-chien, charrues-sillons-chevaux, puits-légumes-jardin, bigos-bières-bistrot, vent du nord-mistral-marin …
Hormis une poignée de charrettes ou chariots posée ici ou là, les seules véhicules à encombrer les rues étaient nos vélos et « carrétons » à quatre sous. Même la première camionnette bâchée de Monsieur Faigt ne faisait pas désordre dans le paysage.
Par la force des choses, le goudron s’est glissé dans notre village sans en oublier le moindre recoin.
Sans y gagner au change, l’odeur d’huile, d’essence, de gas-oil a remplacé celle tellement plus familière de nos chevaux qui ne s’emballeront plus dans ces rues à la moindre tracasserie.
Aujourd’hui, les voitures, camions, bennes et remorques, en plus, qu’on le veuille ou non, d’embarrasser nos devants de portes, ont considérablement réduit le champ de jeux de nos enfants et le champ tout court de nos anciens.
Alors, ces photos se veulent être, simplement, un hommage rendu à une époque superbe mais révolue, bien révolue sous le goudron et qui, hélas, ne reviendra plus.